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Traduction d'un texte de Clay Sandhu
Photographie par Richmond Lam
Traduction d'un texte de Clay Sandhu
Photographie par Richmond Lam
Le jour où j'ai parlé à Danny Smiles, il était en route pour récupérer un ossobuco pour fêter les 75 ans de son père. Depuis qu'il est enfant, la nourriture est un élément essentiel chez lui. « Ma mère et mon père sont tous deux des cuisiniers incroyables », note l'ancien chef cuisinier de Bremner et personnalité de la télévision, repensant au garde-manger familial garni d'épices parfumées et au bac à légumes débordant d'herbes fraîchement cueillies. Né d'un père égyptien et d'une mère italienne, Danny a une histoire connue de beaucoup d'enfants d'immigrés, un mélange de sensibilité sévère, de valeurs familiales fortes et d'appréciation pour un bon repas cuisiné à la maison. Danny Smiles, adolescent hyperactif et obsédé par la musique, a fini par devenir l'une des figures culinaires les plus connues du Canada.
«Tout a toujours commencé par un sens profond de l'hospitalité. Mes parents ont toujours fait en sorte que tout le monde se sente le bienvenu. Je pense que c'est ce qui m'a aidé à construire mon restaurant. C'est comme ça qu'un restaurant est censé être.» Ce sens de l'hospitalité s'est tout particulièrement manifesté après un voyage en Italie. Sur les conseils de locaux, Danny a commencé à s'intéresser aux restaurants dans les petites villes, cachés dans les coins reculés de piazzas inconnues : «J'ai trouvé ce restaurant et, pour la première fois, je n'ai pas utilisé mon téléphone. Je me suis juste dit, cet endroit a l'air incroyable et nous sommes entrés». C'est un repas dans cette petite cantina de Modène qui aura le plus d'impact. «Il y avait une famille napolitaine qui écoutait un match de soccer. Je suis moi-même un grand fan de soccer et même si nous n'étions pas pour la même équipe, ils nous ont nourris, ont sorti des bouteilles [de vin] de leur cave privée. La facture à la fin était de l'ordre de 65 euros. La veille, j'avais dépensé 800 euros à l'Osteria Francescana. La nourriture était exceptionnelle, une nonna faisait la cuisine... C'était familial, c'était des locaux.» Pour Danny, cette expérience a incarné l'énergie et l'esprit d'un bon repas en famille. «J'ai l'impression que c'est vers ça que je me tourne maintenant.»
Le «maintenant» auquel Danny fait référence était censé être juste maintenant, mais l'univers avait d'autres plans. À quelques mois de l'ouverture du Fortunato, son premier restaurant en solo, dans le quartier Saint-Henri de Montréal, l'industrie de la restauration a changé du jour au lendemain. Rien qu'au Canada, 800 000 emplois ont été perdus immédiatement après le confinement. Danny avait besoin d'un revenu pour lui et sa famille, mais il se sentait également responsable de son personnel qui pour la plupart était à ses côtés depuis des années. «Quand le 15 mars est arrivé, j'étais assez déprimé, pour être honnête. C'était dur, mais on se met en mode survie. Je n'étais pas du genre, nous allons [ouvrir Fortunato] parce qu'il faut vraiment que je le fasse. Je ne voulais pas ouvrir un restaurant à un moment comme celui-là. J'ai regardé ce qu'il nous restait comme prêt et j'ai dit : investissons dans une entreprise de restauration». Sept mois plus tard, les portes de Fortunato restent fermées, mais son entreprise Mise en Place (MEP) prospère. «J'ai appliqué ma philosophie [de cuisine et d'hospitalité] à ce nouveau service de restauration». L'idée était de se positionner de manière à incarner l'esprit d'hospitalité et de générosité de l'ancien monde, synonyme de la cuisine de Danny, tout en faisant en sorte qu'elle soit sécuritaire pour les clients et soutienne l'écosystème fragile de la restauration, secoué par un confinement à l'échelle de la province.
«Je suis le genre de gars qui préfère voir tout le monde heureux avant moi. J'ai toujours été comme ça ».
En lançant Mise en Place, Danny a créé des emplois durant une période de chômage sans précédent. Et ce ne sont pas seulement les cuisiniers et les serveurs qui ont souffert, ce sont aussi les fournisseurs locaux. «Les relations que j'ai établies avec les fournisseurs au cours des neuf dernières années dans ma quête de la meilleure carotte, la meilleure huile d'olive, le meilleur flétan... cela m'a pris beaucoup de temps. Du jour au lendemain, tu n'utilises plus tes fournisseurs». Leurs affaires étant complètement bouleversées, ces agriculteurs et fournisseurs locaux comptaient sur lui. S'il ne pouvait pas sauver à lui seul l'industrie, l'ouverture de Mise en Place lui a permis de continuer à acheter des produits à ses fournisseurs alors que d'autres restaurants avaient du mal à s'adapter. En faisant appel aux poissonniers, aux bouchers et aux maraîchers tels que Birri, véritable institution du marché Jean-Talon, il s'assure que chaque repas vendu par MEP soutient ces petites entreprises. Dans son Marché du Chef en ligne, Danny propose des produits de spécialité importés et locaux ainsi que des plats cuisinés provenant d'entreprises des environs, comme le gâteau aux carottes de Vin Mon Lapin, les empanadas de Beba et les salades de l'Arthurs Nosh Bar. Pour Danny, il ne s'agit pas de faire de l'argent, il s'agit de faire sa part pour maintenir l'industrie en vie. «Je suis le genre de gars qui préfère voir tout le monde heureux avant moi. J'ai toujours été comme ça.»
Si Danny était conscient de l'importance de soutenir les fournisseurs qui l'ont accompagné pendant une grande partie de cette dernière décennie, il était également très conscient des problèmes environnementaux auxquels les agriculteurs, et le monde entier, sont confrontés. Le Bremner s'était attaqué au grave problème des déchets alimentaires avec l'un des premiers programmes de compostage dans la restauration à Montréal. Sa nouvelle entreprise, cependant, se heurte à de nouveaux obstacles : l'emballage et le transport. «Nous voulons être aussi respectueux de l'environnement que possible. Tous nos conteneurs sont compostables, nous avons des voitures électriques pour les livraisons, nous nous approvisionnons en sacs cryovac compostables». Il s'agit d'un changement radical dans un secteur qui privilégie souvent la réduction des coûts plutôt que de faire ce qui est juste.
«Quand tu acquiers une certaine notoriété, tu ne peux plus t'arrêter. C'est ce que t'as toujours voulu? Ben, va y avoir des moments difficiles et tu devras te placer en première ligne. Tu dois être là et tu dois te battre.» En tant que chef de file de l'industrie, Danny sait qu'il a un rôle à jouer pour soutenir sa communauté. Mais il sait aussi le rôle que sa communauté a joué pour le soutenir. «Je ne serais pas capable de le faire seul, t'as besoin de ces gens. Ce qui fait la force de Danny Smiles et des restaurants de Danny Smiles, c'est le monde qui m'accompagne. Nous le faisons tous ensemble».
Clay Sandhu est un épicurien et un chroniqueur basé à Montréal. Après dix ans à travailler dans les cuisines, il s'est tourné vers l'écriture d'articles sur la nourriture et la façon dont elle interagit avec la communauté, l'économie et la culture.
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